À Kaya, les enfants déplacés retrouvent le goût de jouer

UNICEF Burkina Faso
5 min readDec 4, 2019

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Au Burkina Faso, le nombre de déplacés a atteint près de 500 000 personnes en quelques mois. Près de la moitié sont en âge d’être à l’école. © UNICEF Burkina Faso/2019/Malin Palm

L’accélération de la crise au Burkina Faso a jeté des dizaines de milliers d’enfants hors de chez eux. Construits par l’UNICEF, les “Espaces Amis des Enfants” leur permettent de retrouver un sentiment de sécurité, un soutien psychosocial, et un quotidien adapté à leur âge.

Sous la tente, ou à l’ombre d’un arbre, les récits s’enchaînent. Fatoumata*, 14 ans, était au champ quand « les hommes armés » sont arrivés.

« Nos parents nous ont crié de courir. J’ai fui, sans mon papa, et on a marché pendant des jours. » La famille est d’abord arrivée à Arbinda, ville située dans le nord du pays, dans la région du Sahel. Là, la rumeur a dit qu’ « ils arrivaient ». Fatoumata et sa famille ont fui encore, avant d’arriver à Kaya, à 158 km d’Arbinda. En quelques mois, la population de cette ville du Centre Nord a plus que doublé en raison de l’afflux de déplacés.

Fatoumata réprime un sanglot. Sa famille de cultivateurs n’a plus aucune source de revenus, et se retrouve entièrement dépendante de l’aide humanitaire. « Ici, c’est dur. Tout est cher. On doit payer pour l’eau, pour le bois. » La fillette n’a qu’un souhait : « rentrer à la maison. »

Parmi les milliers de déplacés que compte désormais la ville de Kaya, on estime que 43% sont des enfants en âge d’aller à l’école.

Partis dans la précipitation, ils ont tout laissé derrière eux. Leur maison, leurs champs, leur quotidien. A Kaya, ils vivent sans aucune certitude sur leur avenir. « Souvent, les parents sont eux-mêmes trop en difficulté pour expliquer la situation à leurs enfants », explique Lamine Tamboura, psychologue à l’espace « Ami des Enfants » construit par l’UNICEF. Avec d’autres animateurs ou psychologues, il tente de soutenir les enfants déplacés qui viennent, chaque jour, chercher un peu de légèreté dans ces espaces récréatifs.

À Kaya, les enfants déplacés retrouvent l’espoir. © UNICEF Burkina Faso/2019/Malin Palm

« Quand les enfants sont ici, ils se sentent en sécurité. Cela permet à chaque enfant de s’exprimer librement. »

Yéri Doli, psychologue, poursuit : « On ne fait pas de thérapie uniquement sur le modèle standard : à travers les jeux, les enfants extériorisent ce qu’ils ont traversé. Pour eux, on ne privilégie pas les entretiens individuels: ils se sentent plus rapidement en confiance dans les groupes avec d’autres enfants. »

Les familles arrivent traumatisées par ce qu’elles ont vu, épuisées par les jours de marche. Certains enfants sont logés loin de leurs parents, dans des familles qu’ils ne connaissent pas. « On peut dire que tous les enfants ici ont, d’une certaine manière, vécu un traumatisme. Un enfant qui quitte son habitation pour une zone inconnue, dans de telles circonstances, est déjà traumatisé. Mais selon sa personnalité, l’enfant réagit différemment. », explique Lamine Tamboura.

Les animations rythment la journée des enfants, qui retrouvent peu à peu une routine rassurante. ©UNICEF Burkina Faso/2019/Malin Palm

Parmi les activités proposées aux enfants, des séances de dessin. Pas seulement ludiques, les dessins exploratoires sont le reflet du monde intérieur de l’enfant.

« On voit des dessins avec des armes, par exemple. D’autres signes ne trompent pas : quand l’enfant est traumatisé, il se tient à part. Sa participation progressive aux jeux de société montre qu‘il est en voie de guérison. »

Lamine Tamboura et Yéri Doli sont psychologues. A travers les séances de groupe, notamment, ils repèrent les enfants en détresse psychologique. © UNICEF Burkina Faso/2019/Malin Palm

Comme tant d’autres enfants ici, Maimouna* a été témoin de tueries sur des membres de sa famille. « Nous l’avons repérée lors d’une séance de groupe. Elle n’a pas pu se retenir de pleurer », explique Yéri. Les séances de travail individuelles ont permis de lui faire extérioriser ce qu’elle avait vécu, et ses conséquences : refus de s’alimenter, cauchemars, maux de tête récurrents… « Elle qui avait tendance à s’isoler, elle s’est progressivement intégrée », se félicite la psychologue.

« Le travail continue, car il faut amener ces enfants à comprendre, à accepter ce qui leur est arrivé, et à vivre avec ce mal. »

La voix de Yéri est couverte par les cris des enfants qui jouent au foot, le son des tambours, les piaillements des plus jeunes qui se bousculent sur le toboggan. La satisfaction de la jeune femme réside dans ce spectacle d’enfants qui, jour après jour, retrouvent le sourire et le goût de jouer.

©UNICEF Burkina Faso/2019/Malin Palm

Au Burkina Faso, la situation humanitaire s’est fortement dégradée en raison des violences et de l’insécurité. En quelques mois, le nombre de déplacés internes a augmenté, passant de 60 171 en janvier 2019, à près de 500 000 en octobre 2019. 48% des déplacés sont des enfants. 1 784 écoles ont fermé, privant 245 625 enfants d’éducation. L’accès aux services de santé s’est détérioré : 78 centres de santé sont fermés et 129 autres ne peuvent assurer qu’un service minimum, privant 1 278 655 personnes de soins de santé.

*Les prénoms ont été changés.

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Written by UNICEF Burkina Faso

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