La communauté éducative sauve une année blanche à Pissila
Malgré la COVID et l’insécurité, un village de Pissila, dans la province du Sanmatenga, a pu sauver l’année scolaire de dizaines d’enfants.
Au lycée départemental de Pissila, en cette journée du 10 juillet 2020, le cliquetis des feuilles d’arbres est parfois perturbé par des voix d’enfants assis en groupes ou isolés. Beaucoup d’entre eux auraient souhaité à cette période de l’année être à côté de leurs parents dans les champs, mais l’urgence du moment reste leur examen de fin d’année, le certificat d’Etudes Primaires (CEP) et le concours d’entrée en classe de sixième. « Qui est le fondateur du royaume Mossi ? Citez quatre royaumes que vous connaissez ? », entend-on par moments dans la cour. L’entrain dans cette révision des cours est d’autant plus justifié pour ces enfants qui ont connu une interruption de leur année scolaire pendant plus de 3 mois.
Plus tard dans la journée, les élèves rejoignent leur classe et sous la houlette de leur enseignant, Yacouba, s’essaient à quelques exercices. L’ambiance est bonne et l’optimisme se lit sur le visage des enfants qui promettent de relever le défi de l’examen. Pour le Directeur de l’école, M. Patenema, ce défi fait suite à un autre que la communauté éducative a relevé depuis le 1er juin, date officielle de la reprise des cours, après la fermeture des classes à cause de la COVID-19 : « pour nous, il ne fallait pas donner raison à ces hommes armés qui ont fait intrusion un soir dans la cour de l’école et nous ont donné l’ordre de fermer à jamais l’école du village de Solomnoré, d’où nous venons ».
« Ils m’ont couché et battu »
En effet, le 20 février 2020, l’école de Solomnoré a connu une de ses plus grandes frayeurs. Ce jour, à la faveur du passage du cortège présidentiel à Pissila, l’école avait fermé dans l’après-midi. Seule la classe du Cours Moyen 2e année était ouverte pour avancer sur le programme scolaire. Vers 16 heures, le Directeur de l’école qui était hors du village reçoit une alerte qu’un groupe armé non étatique est en train de traverser le village et se dirigerait vers l’école. Il tente alors d’avertir l’enseignant de la classe de CM2 mais ce dernier, absorbé par les cours, ne voit pas les appels du Directeur. Une fois à l’école, les hommes en arme exigent à l’enseignant de se coucher. Yacouba, encore sous le choc, raconte :
« ils m’ont ordonné de me coucher et avec des cordelettes, ils se sont mis à me battre. Ils m’ont demandé pourquoi je garde encore les classes ouvertes alors qu’ils nous avaient intimé de fermer. Heureusement, les élèves ont eu le temps de fuir mais l’un d’eux est resté caché derrière l’armoire de la classe. Après m’avoir battu, ils ont rassemblé les livres et autres équipements pédagogiques dans la cour de l’école et les ont brûlés. »
L’école restera ainsi fermée jusque mi-mars. Puis, le gouvernement décrète la fermeture de tous les établissements scolaires du fait de la COVID-19. Elle rouvre le 1er juin 2020, quand l’autorisation a été donnée pour la reprise des cours des classes d’examens, grâce à la conjugaison des efforts de tous les acteurs de la communauté éducative.
Après l’attaque de l’école, les autorités administratives entrent en contact avec l’équipe enseignante de Solomnoré. Suivant les principes du Safe school, un soutien psychologique est apporté aux enseignants et aux élèves par l’équipe d’encadrement pédagogique de la circonscription d’éducation de base et de la province. Les parents d’élèves entrent en contact avec le Directeur de l’école qui les rassure : l’année n’est pas encore perdue. De concert avec le Directeur, accompagné par le Chef de la Circonscription de l’Education de Base de Pissila I, le bureau des parents d’élèves entreprend des démarches auprès des autorités communales qui décident de mettre à la disposition de l’école une salle de classe au lycée départemental pour la reprise des cours. Mais elle ne peut être effective que sous certaines conditions : du fait de l’éloignement du village d’avec Pissila, les élèves ne peuvent pas rentrer à midi. Les parents, à travers leur association réparent le vélo d’une dame volontaire pour qu’elle se rende quotidiennement à Pissila pour la cuisine des enfants au sein de l’école. Quant à la Mairie, elle assure les vivres des enfants.
Le rêve d’Ami est encore d’actualité
L’UNICEF, à travers un projet mis en œuvre par son partenaire Plan International, appuie les écoles de la province à travers les dispositifs de lave-mains et de savon.
Cette union des acteurs de la communauté éducative permet aujourd’hui à ces enfants de continuer à rêver d’un avenir : « je suis prête pour l’examen mais je dois continuer à réviser mes leçons. Après ce qui s’est passé à l’école à Solomnoré, et quand mes parents ont dit que les cours reprenaient j’étais inquiète mais néanmoins contente. Aujourd’hui, je suis heureuse d’être à l’école et surtout de la perspective d’avoir mon premier diplôme. Je rêve de pouvoir faire comme mon maître, c’est-à-dire devenir enseignante », confie Ami, une élève de 13 ans.
Le rêve d’Ami, comme ceux de ses camarades, pourrait être exaucé. Cela a pu être réalisé grâce au financement de l’Agence Autrichienne pour le Développement, et mis en oeuvre par l’ONG Plan International.